Do you wanna play ? (ft. Arno)

Kelsie rentre à peine de l’université lorsque son père la fait appeler dans son bureau, elle soupire, dépose son sac sur le meuble de l’entrée et accroche sa cape au porte-manteau à sa droite. C’est le sourire aux lèvres qu’elle fait son entrée dans l’immense bureau du maire de la ville. «  Que puis-je faire pour toi, papa ? » Jeremiah la salue d’un tendre sourire, se lève et vient lui tendre une enveloppe. Soudain, il n’a plus rien du père de famille dévoué au sourire chaleureux et au regard rieur, ses traits se sont durcis, laissant place à un masque impassible. L’homme d’affaire est de retour, remplaçant papa Hamilton par monsieur le maire. « J’ai besoin que tu remettes cette lettre en mains propres au propriétaire du Mellow Tiger Bar ». En réalité ce n’est pas une demande mais un ordre, donné avec douceur et fermeté à la fois, un secret de la famille Hamilton, la subtilité dans les propos quand elle est nécessaire. « Maintenant ? » Le sourcil que la brune relève ne semble pas plaire à son père qui durcit le ton. « Eh bien oui, tu avais autre chose de prévu peut-être ? Il me faut quelqu’un de confiance. » Le sarcasme laisse place à la manipulation, là encore, un secret de fabrication façon Hamilton. Avec ce genre d’arguments, Kelsie ne peut refuser de rendre service à son père, il la passe soudain de simple fille du maire à personne de confiance étant capable de remplir à bien une mission importante, un cadeau inestimable, une opportunité sur laquelle elle ne peut cracher. « Très bien, je me mets en route. » Le sourire angélique d’une enfant prête à tout pour son père qui cache au fond d’elle de sombres secrets.

Le Mellow Tiger Bar est un bar très fréquenté à l’ouest de la ville, alors comme s’y attendait Kelsie, il y a plein de monde, même à cette heure. Pourtant, la brune ne se départie pas de son sourire et de son air hautain, elle fait son entrée sous les regards admiratifs ou plein de respect des quelques clients près de la porte et passe une main dans ses cheveux. Elle sonde les lieux du regard, la puissance peinte sur son visage et s’arrête sur l’homme accoudé derrière le bar. « Bonjour, je souhaiterais remettre ceci au propriétaire des lieux ». Le barman ne semble pas comprendre sa requête et tend la main vers elle, le regard suggérant « je transmettrai le message » mais c’est sans compter sur la loyauté sans faille d’une Hamilton. « Je crois que je ne me suis pas bien fait comprendre. Mon père, le maire de cette ville, m’a fait traversé la ville pour que je remette moi-même cette lettre à votre patron. Vous saisissez ? » Peut-on faire plus méprisant que cela ? Et tandis que l’homme s’exécute, la queue entre les jambes, Kelsie se remet à sonder la pièce des yeux, jusqu’à ce que son regard s’arrête sur un homme blond lui tournant le dos mais qu’elle saurait reconnaître même dans le noir. « Servez-moi un gin tonic. Avec du citron, et ne le noyez pas dans l’eau ». Une fois sa mission accomplie, Kelsie quitte le bar, le sourire aux lèvres et s’arrête à hauteur de l’homme qui remarque enfin sa présence. « Monsieur Ackerman ? Mais que faites-vous ici à une heure pareille, vous n’avez des petites lycéennes à surveiller pendant leurs heures de colle? »  Un sourire faussement ingénu étire ses lèvres alors qu’elle s’assoit en face de lui sans y avoir été invitée, on n’invite pas Kelsie Hamilton à s’asseoir à sa table, c’est elle qui s’invite.

« Terminé. » Arno se redresse, essuyant sans ménagement ses mains sur son jean. Reculant d’un pas pour mieux admirer son travail, l’homme pose son regard bleu acier sur la rambarde flambant neuve alors qu’un sourire satisfait vient naître sur ses lippes. « Bon boulot. » James lui accorde une tape amicale sur l’épaule. « Une bière au Mellow Tiger en guise de paiement ? Qu’est-ce que t’en dis ? » Un instant, il songe à refuser. Les deux hommes ont déjà bu quelques bières durant les travaux et il serait peut-être préférable de rentrer. Si il est encore relativement tôt pour un vendredi, le bar de Derry est fréquenté à toute heure et le blond sait qu’il est susceptible de tomber à tout instant sur des élèves sortant du lycée. Comment pourrait-il expliquer et justifier le joli cocard qui lui marque l’œil droite auprès des élèves curieux alors que le lycée de Derry bombarde ses petites têtes blondes de campagnes antiviolences ? « Allez, une petite bière et on rentre. Pour une fois que je ne dois pas m’occuper des gosses ! » Un soupire s’échappe de ses lèvres. Un instant il songe à refuser. C'est peut-être le regard implorant de son ami, l'envie de se changer les idées et de se vider l'esprit qui viennent à bout de sa faible volonté de résister à la tentation. Facilement convaincu, aisément corrompu, Arno baisse les armes, estimant qu’une petite bière entre amis ne peut définitivement pas lui faire de mal.

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« Une autre Ackerman ? » Le vil tentateur lui lance un sourire goguenard. C’est un guet-apens. Un piège. Arno n’a pas le temps de répondre ni même d’expliquer qu’il lui reste une bière à terminer, James s’éloigne déjà d’un pas conquérant en direction du bar. La petite bière en amis s'est éternisée, le Mellow Tiger est désormais bien rempli. Les habitués de Derry commencent à affluer, s’installent autour des petites tables, s’accoudent au bar, lancent des parties de fléchettes ou de billard. Si demain le blond regrettera très certainement cette petite sortie, là, tout de suite, il décide de tout mettre de côté. Ses affaires avec la police, Raphaël qui ne veut plus lui adresser la parole, la disparition du petit Timothy, Lou de retour à Derry, Lou maman. Électrisé par la musique et les conversations environnantes, porté par les bières, Arno Ackerman dépose les armes le temps d’une soirée.

Son regard glacier se balade dans la pièce, s’arrête sur la silhouette de son ami. Il est arrivé au bar mais semble trop occupé à discuter avec une demoiselle pour passer commande. Un léger soupire s’échappe de ses lèvres. Doit-il intervenir ? La demoiselle semble charmante mais ce n’est pas la femme de James et Arno connait son ami, il peut facilement se distraire, puis regretter. Le débat interne qui l’anime est pourtant tué dans l’œuf lorsque quelqu’un prend place en face de lui, sortant l’homme de ses pensées. « Monsieur Ackerman ? Mais que faites-vous ici à une heure pareille, vous n’avez des petites lycéennes à surveiller pendant leurs heures de colle ? » Cette voix, ce ton. Il n’a pas besoin de vérifier pour savoir qui vient de prendre place à sa table. Kelsie Hamilton. Légèrement pris au dépourvu, Arno détourne son attention de son ami et vient plonger ses iris dans le regard charbonneux de la belle brune. « Mademoiselle Hamilton. » En d’autres circonstances, il aurait cherché à fuir, à mettre le plus de distance entre la demoiselle et lui mais ce soir, l’esprit légèrement embrumé par l’alcool, il se contente de lui adresser un petit sourire en coin. Son erreur remonte à plusieurs années maintenant, mais chaque fois que son chemin croise celui de la brune, c’est la même petite comédie qui se déroule. Loin d’être dupe, Arno réalise que la jeune femme tire un certain plaisir à constater l’embarras qu’elle créer chez lui. Elle avait toujours été comme ça. Manipulatrice, mielleuse, attirante. La fuir, refuser d’entrer dans la danse, l’homme s’y attelait depuis le jour où il avait dérapé, où lui avait cédé. Ce soir, pourtant, les choses semblent différentes. « C’est devenu nettement moins intéressant depuis quelques années. » Il porte sa bouteille de bière à ses lèvres et boit une gorgée, sans lâcher les prunelles de la jeune femme du regard. Ce soir Arno n’aura probablement pas la forcer de résister à la tentation, l’irrésistible envie de retomber dans le petit manège lui électrise le corps. Il prend une inspiration et plonge la tête la première dans le jeu. « Et toi, que fais-tu ici ? Ce n'est pas vraiment un endroit acceptable pour une jeune fille de ton âge, à une heure pareille ? »  Il sait pertinemment qu’elle n’est plus une gamine, aujourd’hui plus que jamais l’Hamilton lui semble être devenue une femme. Cependant, la tentation de la provoquer et d’entrer dans le jeu que Kelsie avait instauré lorsqu’elle était encore une lycéenne est beaucoup trop grande.  

Le sourire dont elle ne parvient pas à se départir tandis que son interlocuteur plante ses iris électriques dans les siennes, c’est le feu contre la glace. Ses ongles frappent la surface de la table en rythme pendant qu’ils se jaugent, un courant magnétique passant entre eux, rendant l’espace qui les sépare électrique. C’est palpable, c’est dans l’air, comme toujours entre eux. Kelsie se mord la lèvre lorsqu’Arno prononce son nom, comme avant, comme lorsqu’il repoussait ses avances, l’envie dans la voix et dans le regard. Combien de fois il a soupiré avant de la repousser gentiment et de gémir son prénom, fatigué de ce petit jeu, excédé par ses avances. Mais en le voyant aujourd’hui, assis en face d’elle, la jeune Hamilton se souvient pourquoi elle jouait avec ses nerfs et mettait sa patience à l’épreuve. Il est séduisant Arno, avec son regard azur et sa barbe de plusieurs jours, avec ses muscles saillants et son sourire charmeur. Elle se souvient de ce désir qui l’animait déjà il y a six ans Kelsie, ce simple jeu, ce défi qui avait rapidement tourné à l’envie. L’envie de le faire succomber, l’envie de l’interdit, l’attirance qu’elle ressentait, l’attraction entre eux. Elle l’avait voulu pendant longtemps, et enfin elle l’avait eu avant qu’il ne qualifie cette nuit d’erreur. Des erreurs, elle en a fait beaucoup Kelsie, mais étrangement, sa nuit avec Arno Ackerman ne figure même pas dans son top dix. Et puis il la flatte et boit une longue gorgée sans décrocher son regard d’elle. Dieu qu’il est sexy, Dieu comme c’est attirant de le voir ainsi. Les yeux de la brune descendent sur ses lèvres avant de remonter pour accrocher son regard. « Oh ne me dis pas que j’ai été ta seule et unique entorse au règlement. » Elle fait mine d’être étonnée et déçue mais la vérité, c’est qu’elle jubile intérieurement Kelsie, de l’avoir marqué, d’avoir été plus intéressante que les autres, d’avoir gagné. Pour se donner une contenance et remettre ses idées en place, la brune boit une longue gorgée de gin en jaugeant le blond par-dessus son verre, papillonnant innocemment des cils. Elle envoie une mèche de cheveux en arrière avec ses manières de princesse et sourit, amusée. « Effectivement, ce taudis n’a rien d’un endroit acceptable pour une jeune femme comme moi mais j’avais une livraison à faire ». Enfin, elle se lève légèrement et se penche par-dessus la table pour aller poser ses doigts sur l’oeil droit de l’homme. « On a été un vilain garçon ? » Ses doigts qui caressent son œil au beurre noir alors que son regard brille. Kelsie a toujours aimé les hommes propres sur eux, sérieux. Mais ce qu’elle ressent pour Arno est différent, elle aime le côté bad-boy que lui confère cet hématome sur son œil, elle aime la manière qu’il a de toujours la fuir et la repousser. Il n’est pas son genre et elle n’est sûrement pas amoureuse de lui mais son corps réagit tout de même à la proximité du sien. Sa main a traîné sur sa peau plus longtemps que nécessaire, réveillant des sensations enfouies profondément depuis des années. Alors Kelsie se rassoit et croise les jambes sous la table, faisant bien attention à frotter sa jambe contre celle d’Arno tout en gardant son air angélique. « Qui a fait ça ? » demande-t-elle, comme si de rien n’était.