walk in the valley of kings (nathy)

une pluie diluvienne s’abat sur la petite ville déjà bien morose de derry, image presque religieuse d’une rage divine blasée qui chute sur l’monde dans une violence sans force. les gouttes se mélangent aux larmes, cocktail liquide naturel qui noie et nettoie les sanglots. les pleurs se confondent avec les rires, bien plus bruyants, qui les couvrent sans l’moindre effort. c’est facile d’ignorer l’malheur qu’ils sont entrain d’causer, s’concentrer sur leurs petites personnes alors qu’ils sont entrain d’écraser d’autres encore plus petites personnes. ou qu’ils pensent être plus petites, alors qu’ils se pensent également les maîtres du monde. ce sont eux, les petits. p’tits cons.

ils n’sont pas tous à donner des coups. en vérité, il y a même peu d’coups qui pleuvent. eux, ils préfèrent la violence verbale. l’humiliation, la panique psychologique.
ils n’sont pas tous à donner des coups, verbaux. mais ils sont tous dans l’coup.
tous aussi coupables les uns que les autres.
ceux qui frappent, émotionnellement.
ceux qui sourient et rient, de cette tragédie.
ceux qui fument en regardant, d’un air neutre presque blasé.
nathy, s’il évite d’frapper, il est un peu des autres. il est de ceux qui regardent en fumant, un air lointain d’en avoir rien à carrer, et rire d’temps en temps pour faire bonne figure. parfois il rit vraiment, nathy. ou il croit qu’il rit. derrière ses ricanements ou ses éclat s’cache une tristesse que lui-même ne ressent pas. ou s’persuade de ne pas ressentir.
nathy, s’il évite d’frapper, il sait s’défendre. gringalet, ses poings n'ont pas toujours l'effet escompté. mais il est gros, son cerveau, et il sait s’en servir. la détermination qui se mêle à la cruauté sur l’expression d’son visage, sa langue est acérée et redoutable.
nathy, il est peut-être un peu des trois. il regarde, il rit, il frappe. mais surtout nathy, c’est celui qui les sort des emmerdes, l’plus souvent.

tout est un art.
c’est une putain d’ironie.
tout est un art, c’est un putain d’comédien qui s’perd lui-même dans son jeu.
l’ironie d’sa vie, aucun contrôle dessus pour un gamin arrogant qui s’prétend plus mature que les autres, que tous les autres.
parce qu’il est intelligent, très intelligent, trop intelligent.

c’est un surdoué, nathy. l’qi qui explose les scores. ses neurones font des connexions qui semblent venir du cosmos, et pourtant il a raison.
il l’sait depuis qu’il est tout petit, qu’il est peut-être un peu différent des autres. et parce qu’il est intelligent, tout petit il a deviné comment l’monde fonctionne.
il voulait pas être exclu de la société, il voulait pas devenir une victime de la société.
alors il a sorti sa langue et les coups verbaux. il a cogné avant qu’on ne le cogne. et au lieu de devenir une victime, il est devenu l’une de ces personnes qu’il craignait tant. sans s’en rendre compte, sans l’contrôler.
les larmes qui s’mêlent à la pluie, il est plus facile d’ignorer, de nier, que d’affronter la réalité qui est la triste vérité.

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l’sang gicle, éclabousse les murs alentours, déjà crades de la pollution de la ruelle. son sang ou celui du sale mec, il n’est plus sûr. il s’perd dans sa rage.
ferme ta gueule ! ferme ta gueule, connard.
sa gueule n’est plus angélique, mais elle est encore plus blême qu’à l’habituel. (la fureur l’transforme.) psychopathe. il a reçu des coups, mais c’est celui qui donne l’plus. la fureur l’transforme. l’autre gars est assommé, il n’a plus la force de répliquer, il s’contente de recevoir. peut-être qu’il n’est même plus véritablement conscient. nathy s’en aperçoit pas, il continue de donner, de cogner. la fureur l’transforme. il pleure en même temps qu’il donne, qu’il cogne. il pleure de rage et de fureur. il pleure d’souffrance.
ça t’apprendra à l’insulter.
une salope qui ouvre les jambes à la première bite, qu’il a osé dire en riant. non. il n’a pas ri longtemps. nathy n’a pas attendu qu’il sorte du bar pour lui mettre une raclée. il l’a trainé dehors, de suite. la fureur l’transforme. il est trash, nathy. mais ses deux frangins et sa mère sont son tout. différents pères, il s’en fout. ils sont sa famille, ils sont son tout.
c’est pas une pute… c’est pas une pute ! elle a juste du mal à trouver une stabilité amoureux. parce que maman, elle est polyamoureuse, sans l’savoir.
il cogne, il pleure. y a l’grand frère qui arrive d’un coup. peut-être parce que l’barman l’a appelé, paniqué devant la violence incontrôlable de nathy. peut-être parce qu’il passait dans l’coin. c’est une petite ville, derry.
y a l’grand frère qui arrive d’un coup et l’attrape. l’seul qui peut le canaliser.
il veut taper encore, nathy. mais il frappe dans l’vide. il pleure encore plus, plus fort. n’se rend même pas compte qu’il pleure, en fait. dans l’fond, c’est un p’tit con mais c’est un sensible, nathy.
ça va aller. comment tu sais, comment tu sais ? non, ça va pas aller.

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l’cœur qui s’est remis à battre. boom boom. ça fait mal, parce qu’il a oublié ce que c’était d’être vivant.
c’est une bonne souffrance, on lui dira. étrange débat, parce qu’il n’a pas envie d’souffrir.
quand le p’tit frangin a disparu, la rage et la tristesse l’ont transformé en homme sans émotion ou sentiment. psychopathe. zombie mode. l’obsession qui écrase tout. sa quête qui surpasse tout. la sensation de ne pas souffrir (mensonge). peut-être qu’il souffrait encore, derrière son apparence de glace. il ne le sentait juste pas, il se contentait de l’ignorer.
la fureur l’transforme. toutefois ce n’est pas la même fureur que d’habitude. mais elle est toute aussi malsaine, elle aussi.
des mois et des mois de souffrance assommante à l’faire avancer comme un zombie. il n’voyait plus rien, il n’entendait plus rien. impossible de percer sa bulle.
puis y a lui, qui a réussi. sans qu’il ne le sache, sans que nathy n’comprenne vraiment pourquoi. parce qu’il ne l’aime même pas c’mec. c’est un sale con. mais c’est aussi l’seul mec intéressant qu’il a rencontré depuis des années. il n’est pas intéressant, il est juste chiant. chut, t’es dans l’déni.
il n’est même pas un humain correctement fonctionnel. un ours, dans une caverne.
mais peut-être que finalement il est moins hypocrite que ces humains qui marchent d’un pas déterminé et paradoxalement perdu dans les rues de derry.
non, non. ce n’est pas la question. il s’en fout de qui il est, en tant qu’humain – ou bête du coup. lui ce qui l’intéresse, c’est son p’tit frère. et cet homme à peine fonctionnel semble être sa meilleure chance.