dirty little secrets ♠ ft. Kelsie

dimanche xx septembre 2019 • east barrens • dans la paroisse catholique des Hamilton et des Kaczmarek

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Fiancée. Ils m'ont fiancée. J'ai rien pu dire, il avait pas l'air contre, alors j'ai suivi le mouvement. Il n'a rien dit non plus, cependant. Et on n'en a pas reparlé. A vrai dire, je ne sais plus quoi lui dire. Je ne sais pas s'il est à l'origine de cette décision ou non. S'il l'est, si je lui dis qu'il est mon meilleur ami, et non l'homme avec lequel j'ai envie de passer le restant de mes jours, même s'il est sans doute un de ceux qui me connaissent le mieux, qu'est-ce qu'il va se passer ? Est-ce que je vais le perdre à jamais ?

Et s'il ne l'est pas, pourquoi il n'a rien dit ?

Je suis arrivée en avance à l'office. Avant même mes parents, à qui je n'adresse jamais vraiment plus que quelques politesses et banalités. Ca a toujours été, alors ça n'a rien de surprenant. Et Dieu qu'Adam me manque ! Je ne cesse de me poser des questions quant à l'absence de réponse à ma dernière lettre, comme d'ordinaire, je reçois une réponse presque immédiatement. Est-ce qu'elle est bien arrivée ? Est-ce qu'il l'a lue ? Est-ce qu'il est fâché, pour ne pas y avoir répondu ? Parce que je n'ai pas refusé l'engagement, peut-être ? Qu'est-ce que j'ai fait ? Qu'est-ce que j'ai écrit qui l'a ainsi éloigné de moi ?

Je suis arrivée en avance, et j'ai choisi volontairement une place un peu dissimulée, derrière un pilier. Je regarde les gens arriver, cherche les visages connus du regard. Mes parents entrent, je les vois faire le tour de la nef des yeux mais je ne croise volontairement pas leur regard, fais mine d'être en plein recueillement, et attend le début de l'office.

Et sa fin, surtout.

Pourtant, pendant l'homélie du curé de notre paroisse, mon coeur manque un battement. Il parle de moi. Il parle de lui. De notre union à venir. De l'engagement devant Dieu. Est-ce que mon père est venu le voir ? Quand ? Quand a-t-il officialisé la chose ? Je blêmis, remercie le Seigneur qu'au moins, il ne nous ait pas fait venir jusqu'à l'autel, et prends la fuite dès que le chant d'envoi est entonné.

Mais je sais qu'il y a bien une personne que je ne parviendrais pas à fuir longtemps, et je ne suis pas très surprise quand une tornade brune me fonce littéralement dessus sur le trottoir au bas du parvis de l'église.

"Hum... Bonjour Kelsie..."

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dimanche xx septembre 2019 • east barrens • dans la paroisse catholique des Hamilton et des Kaczmarek

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Il paraît que Dieu punit les pécheurs, les menteurs dans mon genre, ceux qui trompent et manipulent sans aucun scrupule pour obtenir ce qu’ils veulent. Heureusement pour moi, Dieu n’existe pas. Le voilà mon terrible secret, celui que je garde bien enfouit tout au fond de moi. Je n’ai que faire de la religion, des croyances de mes parents, du bénédicité avant le dîner, de ces foutues messes du dimanche matin. Oui mais voilà, l’apparence est primordiale et les Hamilton sont, aux yeux de tous, une famille catholique pratiquante, intégrée dans la communauté de Derry comme dans sa communauté religieuse, c’est pour ça que nous côtoyons la paroisse. Je sais que mes parents sont vraiment croyants eux, je m’en rends compte. Je l’entends à leur manière de parler, à ce regard qu’ils ont lorsqu’ils évoquent leur Seigneur. Pour mes frères, je ne sais pas et pour être tout à fait honnête, je m’en fous. Je les aime, ce n’est pas le problème mais chacun est libre de croire ce qu’il veut et s’ils ont décidé de se persuader que là-haut, quelqu’un tire les ficelles à leur place, grand bien leur fasse. Le truc, c’est que je suis une terre à terre qui ne croit que ce qu’elle voit, alors en attendant que Sa majesté daigne enfin se manifester en ma présence et m’envoyer un signe –un vrai signe bien-sûr, pas l’une de ces choses qu’on interprète comme tel lorsque l’on est désespéré– je joue la comédie et me rend à l’église tous les dimanches matins.

Comme toujours, je porte une robe de petite fille sage. A mon goût, les manches sont de trop, l’ourlet d’au moins dix centimètres sur mes cuisses aussi, mais je garde un sourire angélique sur le visage et salue quelques personnes de la main. D’instinct, je cherche mon amie Chris du regard mais ne la trouve pas, alors je suis mes parents au premier rang, celui réservé aux gens importants, à l’élite, aux familles fondatrices. Et j’écoute notre très cher pasteur nous rabâcher les oreilles avec toutes ses sottises. Parfois, j’ai envie de me lever et de lui dire que je ne crois qu’en moi-même, mais mon père ne supporterait jamais un tel affront et il est l’homme le plus précieux sur cette Terre à mes yeux. Alors comme j’ai l’habitude de le faire, j’écoute d’une oreille distraite ces babillements stupides tandis que mon esprit glisse lentement ailleurs et se perd, jusqu’à ce qu’une information cruciale ne retienne mon attention. Je fronce les sourcils en repassant les dernières paroles de l’homme en soutane dans ma tête, Maria-Christina Kaczmarek est fiancée ? Je cligne plusieurs fois des yeux pour vérifier que je suis bien réveillée et tourne la tête à temps pour voir une tornade blonde sortir en hâte du bâtiment. Chanceuse de m’être installée en bout de rangée, je m’excuse auprès de ma mère et sors discrètement de l’église à la suite de mon amie. « Bonjour Kelsie ? T’as rien à me dire ? » Je croise les bras sur ma poitrine et lui envoies mon regard le plus méprisant possible, Chris est ma meilleure amie mais elle sait que je ne supporte pas les cachotteries. « Comme le fait que tu te sois fiancée et que tu ne m’aies rien dit, par exemple? » Si elle ne désamorce pas la bombe Kelsie tout de suite, les choses risque de se gâter.

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dimanche xx septembre 2019 • east barrens • dans la paroisse catholique des Hamilton et des Kaczmarek

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Evidemment qu'elle m'a suivie. Et en réalité, je ne fais pas grand chose pour l'éviter. Non, je veux éviter les autres paroissiens, et les sourires de surface aux félicitations qui risquent de fuser de toutes parts - qu'il les garde pour mes parents, eux sont heureux de la nouvelle, pas moi. Et quand elle arrive les bras croisés, visiblement en colère - je ne m'attendais pas vraiment à autre chose - j'ai un regard craintif derrière elle vers les paroissiens qui commencent doucement mais sûrement à sortir de l'édifice.

« Bonjour Kelsie ? T’as rien à me dire ? Comme le fait que tu te sois fiancée et que tu ne m’aies rien dit, par exemple?
- Si. Mais pas ici. »

Je vois mes parents qui me cherchent de loin, et interpelle ma mère.

« Je vais prendre un café avec Kelsie, Mamma ! »

Un signe de la main qu'elle me renvoie un peu gênée de ne pas m'avoir à ses côtés pour présenter l'heureux événement à toute la ville, et je jette un regard entendu à mon amie : ok, t'as toutes les raisons d'être en colère, mais on sauve les apparences ici, et tu pourras m'incendier autant que tu veux dans ce petit café où on a l'habitude d'aller pour être isolées de nos parents.

Je commence pourtant à parler en route, parce que le silence n'arrangera rien, j'en suis tout à fait consciente.

« La décision vient d'être prise. Ca fait quoi... quelques jours ? Une semaine ? J'arrive pas trop bien à réaliser... Et à vrai dire, je sais pas trop quoi en dire... Je savais pas trop comment te l'annoncer... J'imaginais pas que ça serait comme ça, ça c'est certain... »

Ca se voit que je saute pas de joie, n'est-ce pas ? On s'installe assez rapidement, mais je regarde plus facilement mes ongles ou mon verre que mon amie. Quelque part, j'ai un peu honte de ne pas m'être rebellée davantage. Tout ce que j'ai fait, c'est rester immobile, et planter mes ongles dans les paumes de ma main.

« Quand ils me l'ont annoncée, je suis restée... paralysée. Et je sais plus trop comment m'en sortir. Si je refuse maintenant...  »

Je hausse les épaules.

« Tu sais... Le déshonneur, l'ignominie, la honte de la famille...  »

Tout ce dont je n'ai absolument rien à foutre, au fond, et je lève les yeux au ciel. Mais j'ai pas vraiment les moyens financiers de claquer la porte et d'aller vivre toute seule je ne sais où. Je soupire.

« Ca fait une semaine que je retourne la situation dans tous les sens, et pour t'en parler, et pour trouver une solution. J'ai pas trouvé d'idée lumineuse encore, comme tu vois...  »

Je me cale au fond de mon siège, croise le regard de mon amie. Et garde pour moi le fait que parfois, je voudrais redevenir une toute petite fille et pouvoir me blottir dans les bras de mon grand frère... qui n'a même pas répondu à ma dernière lettre, et dont le soutien me manque cruellement.

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